Exposition au Musée du Papier Peint/Rixheim/Alsace/France

Derrière leur apparence si joyeuse, que cachent les papiers peints des années 1970 ? C’est ce que le Musée a demandé à l’artiste canado-suisse Hans J. Mettler qui, depuis plusieurs années pratique la technique de l’infographie, c’est-à-dire la fusion entre graphisme et informatique, pour aboutir à un médium aussi nouveau que révolutionnaire, apparu justement au cours des années 1970.

Ces papiers peints sont les témoignages presque naïfs du Flower power : ils nous apparaissent comme la transcription candide de l’illusion des idéalistes qui affichaient avec autant de bonne volonté que de gentillesse le slogan « make love not war ». L’artiste se questionne : À l’usure du temps, les drames de l’histoire s’effacent-ils de notre mémoire collective comme les papiers peints, qui se décollent de nos murs ?

Car la décennie 70 fut fertile en tragédies atroces : guerres au Vietnam, au Laos, en Afghanistan, totalitarisme des régimes communistes et militaires, naissance d’extrémismes religieux en Iran, au Liban, en Israël, exterminations ethniques en Afrique, au Cambodge, en Irak, difficultés économiques liées aux chocs pétroliers…

Hans J. Mettler nous propose en douze tableaux un tour du monde: pour ce faire, il associe les motifs des papiers peints de l’Époque à des images historiques contemporaines pour en faire une fusion.

« Déroulements »

allocation de Bernard Jacqué, directeur du Musée du Papier peint à Rixheim/Alscace/France, lors du vernissage, le 17 octobre 2003.

Portés par une mode très présente, les papiers peints des années 1970, avec leur graphisme et leur coloration pop, rencontrent actuellement, en 2003, un réel succès de curiosité d’où toute nostalgie est loin d’être absente. Il est agréable pour les baby-boomers de se replonger dans un monde candide où chacun, les cheveux au vent, se plaisait à répéter le slogan « make love not war ». La jeune génération, pour sa part, se plaît à trouver de la nouveauté à ces témoignages quelque peu candides du Flower power.

Mais cette naïve mélancolie se refuse à voir la réalité autrement moins réjouissante des années 1970. Le décennie, souvenons-nous, multiplie les tragédies atroces dont notre quotidien est en partie issu: guerres au Vietnam, au Laos, au Cambodge et en Afghanistan, totalitarisme des régimes communistes et militaires, naissance d’extrémismes religieux en Iran, au Liban, en Israël, exterminations ethniques en Afrique, au Cambodge, en Irak, difficultés économiques liées aux chocs pétroliers; La liste est longue: mais, si les fleurs orange et les graphismes à la Vasarely resurgissent, les drames de l’Histoire, eux, tendent à s’effacer de notre mémoire collective, comme se décollent du mur les papiers peints démodés.

L’historien nous renvoie à ce passé moins ingénu qu’il n’y paraît. L’artiste, de son côté, familier des transgressions de l’image, peut aussi nous en proposer une lecture d’emblée plus intense: ce que fait ici l’artiste canado-suisse Hans J. Mettler avec tout à la fois son regard et sa technique.

Son regard, c’est celui d’un artiste, certes, mais aussi celui de quelqu’un qui, longtemps journaliste, est habitué à analyser le passé et le présent, sans concession. Sa technique, c’est l’infographie, ce médium hybride né du mariage, au début des années 1970, justement, du graphisme et de l’informatique alors balbutiante, pour devenir, reprenant l’opinion de McLuhan le message de l’expression artistique.

A partir de là, Hans J. Mettler combine les motifs de papiers peints qu’il a choisis dans les collections du Musée de Rixheim avec quelque 200 photos d’actualité d’une époque révolue, mais si proche qu’on l’a trop souvent oublié: scènes d’Histoire, personnalités d’alors, icônes qu’il incruste dans le support papier peint aboutissant, avec le procédé de l’infographie, à une fusion entre décor et Histoire. De nouveaux rouleaux se déroulent sous nos yeux, porteurs désormais de beaucoup plus que les motifs chers à une époque: l’Histoire les habite, une Histoire qui dorénavant, sous la pellicule du motif, retrouve ce qui fut notre chair.